Gabrielle d'Estrées, née au château de Cœuvres en 1573, et morte à Paris dans la nuit du 9 au 10 avril 1599, est la maîtresse et favorite d’Henri IV de 1591 jusqu'à sa mort.
une jeunesse galante
Gabrielle d’Estrées naît vers 1573 au château de Coeuvres, en Picardie, demeure familiale. Son père, Antoine d’Estrées est marquis de Coeuvres, apparenté à la famille de Bourbon par sa mère, Catherine de Bourbon. Il est aussi gouverneur de l'Île-de-France et Grand-Maître de l'artillerie. Quant à sa mère, Françoise de la célèbre famille Babou de La Bourdaisière, est connue pour ses galanteries et entretient beaucoup d’amants dont le roi de France Henri III. Elle initie aussi ses filles très tôt à la débauche parmi les sœurs aînées de Gabrielle : notamment Diane qui mène une vie de débauche et a de nombreux amants, tels que le duc d’Épernon,.. et Angélique, abbesse de Mautbuisson, qui aurait eu douze enfants de douze pères différents. Après Gabrielle d’Estrées, le marquis et la marquise de Coeuvres auront encore quatre enfants : François-Annibal (1572 - 1670), François-Louis (1575 - 1594), Julienne-Hyppolite (1580 - 1667) et Catherine.
En 1589 alors qu’elle n'a que seize ans, sa vie se trouve chamboulée. En effet sa mère, Françoise, déserte le domicile conjugal et quitte son époux et enfants, pour suivre son amant, le marquis d’Allègre en Issoire où il vient d'être nommée gouverneur. Françoise confie l’éducation de ses enfants, à sa sœur cadette, Isabelle Babou de La Bourdaisière, devenue par son mariage, Madame de Sourdis.
le château de coeuvres, demeure des babou
son premier grand amour : roger de bellegarde
Contrairement à ses sœurs aînées, Gabrielle ne sera pas initiée à la galanterie. Son premier amant est sans doute Roger de Saint-Lary, seigneur de la Bellegarde. Gabrielle est très amoureuse de lui et ils ont prévu de se marier. Roger de la Bellegarde, est l’ami et le Grand-Écuyer du roi de France Henri IV. Il ne cesse de lui décrire sa fiancée, ses rares perfections, la blondeur de ses cheveux, l’éclat et la blancheur de son teint, ses yeux couleur-azur,… Le roi de France, tombe sous le charme des descriptions de Gabrielle et souhaite de la rencontrer. Quand il la voit pour la première fois, il tombe immédiatement amoureux de la belle et jeune demoiselle.
Mais Gabrielle se refuse au roi, qui, à vrai dire, est 18 ans plus âgé qu’elle. Elle est très amoureuse de Roger et prévoit de se marier avec lui, le plus vite possible. Le roi de France, de son côté, essaye toutes les séductions possibles, se déguise en paysan, en palefrenier, mais ça termine mal. Son père, Antoine, lui fait entrevoir les chances de devenir la favorite du roi de France et sa tante, Isabelle, lui fait montrer qu’elle ne tient pas beaucoup à Roger de Bellegarde, puisque c’est lui qui lui a décrit auprès du roi.
la rencontre avec Henri iv : une stratégie royale
Pour rendre Gabrielle libre de son père à jamais, le roi la fait marier à Nicolas d’Amerval, seigneur de Liancourt, qui est veuf et qui a des enfants, nés d’un premier mariage. C’est probablement vers cette époque que Gabrielle devient la maîtresse d’Henri IV. Même si elle est la maîtresse du roi, elle continue à fréquenter Bellegarde, qui manque, à plusieurs reprises, d’être surpris par le roi de France dans le lit de sa maîtresse.
En 1593, Gabrielle éprouve du chagrin, quand elle apprend la mort de sa mère, qui est assassinée à Issoire, le 9 Juin de la même année, dans une émeute pendant la guerre de la Ligue. C’est dans les bras d’Henri IV, qu’elle court se consoler. Peu de temps après, Gabrielle d’Estrées, tombe enceinte. Le roi est très content quand il apprend ceci lui qui se croyait stérile. Vers cette même époque, Gabrielle est peinte avec sa sœur, Julienne-Hyppolite, au bain.
Henri IV portant en écharpe la bannière blanche et la croix de l'ordre du Saint-Esprit. Portrait en buste par Frans Pourbus le Jeune, huile sur toile, Versailles, châteaux de Versailles et Trianon, XVIIe siècle.
Sur ce portrait, la duchesse de Villars pince le téton du sein de sa sœur, pour montrer aux gens que Gabrielle est enceinte du roi. On peut aussi voir, Gabrielle tenir de sa main gauche, un anneau que le roi lui a donné, ce qui symbolise leur amour. On voit aussi une femme de chambre, assise dans un coin, entrain de broder une layette pour enfant ; ce qui prouve encore que Gabrielle est enceinte.
En 1594, Gabrielle met au monde son premier enfant, qui est César, légitimé et titré duc de Vendôme à sa naissance, il mourra en 1665. Le roi est fou de joie à la naissance de ce premier enfant et plusieurs fêtes en grande pompe sont données à Paris. Mais certaines personnes à la cour, prétendent que l’enfant serait celui du seigneur de la Bellegarde, encore amant de Gabrielle, et non du roi. Après la naissance de César, le roi fait entamer le divorce entre sa maîtresse et le seigneur de Liancourt. Celui-ci a eu les enfants, de son premier mariage : il doit prétendre qu’il a été stérile suite à un accident de cheval. Gabrielle prétendra qu’elle s’est mariée sur ordre de son père et qu’elle ne savait pas que son futur époux était impuissant. Ils sont finalement divorcés le 24 décembre 1594.
Pour l’éloigner pour de bon de sa maîtresse, le roi marie le seigneur de Bellegarde avec Anne de Bueil.
Gabrielle d'Estrées et une de ses sœurs, peint autour de 1594 par un auteur inconnu de l'École de Fontainebleau.
les enfants de l'amour
les goûts d'une favorite, le train de vie d'une reine
Peu de temps après, Gabrielle d’Estrées reçoit le titre de marquise de Montceaux. En tant que favorite royale, Gabrielle d’Estrées s’achète beaucoup de robes et de bijoux et mène une vie de vraie reine. Le roi lui donne beaucoup de présents et cadeaux, lui achète des terres et domaines tels que châteaux, hôtels, etc. Sa famille n’est pas aussi oubliée : le roi donne beaucoup des charges importantes à son père et à son frère ; ses sœurs : Angélique, est faite abbesse de Mautbuisson, par le roi, et Julienne-Hyppolite, est mariée à Georges de Brancas, duc de Villars.
La conseillère du roi de france
La marquise de Montceaux a une totale emprise sur son royal amant. Le roi approuve et suit se conseils. Ce serait sous ses conseils, que le roi se convertit au catholicisme en 1593. Gabrielle se mêle aussi de politique, elle favorisera l’ascension du duc de Sully (mais luttera contre lui bien après) et sera parfois avec le roi (parfois cachée sous les rideaux) à une entrevue avec les ambassadeurs. En 1595, Diane d’Andouins, vient à la cour, recommander son fils, à Henri IV. Elle sera humiliée par la maîtresse en titre.
En 1596, Gabrielle donne naissance à une seconde fille, Henriette-Catherine, Mlle de Vendôme, qui mourra en 1663 ; la naissance est presqu’aussi fêtée en grande pompe que celle de son frère aîné, César. En 1597, Gabrielle d’Estrées, est faite duchesse de Beaufort.
En 1598, elle donne naissance à son troisième enfant, Alexandre, qui entrera dans les ordres et mourra en 1628. Ce serait aussi sous l’inspiration de Gabrielle, que le roi fait signer un édit de Nantes, permettant aux protestants de faire leur culte en paix et sans crainte. La favorite en titre n’est pas aimée du peuple de Paris à cause de ses folles dépenses. Elle mène un grand train de vie et ses robes et bijoux coûtent très chers au trésor royal et vident les caisses du royaume.
gabrielle d'estrées et la mode, une beauté angélique
un mariage ô combien politique
Le roi, très amoureux de Gabrielle, décide de l’épouser. Il commence alors à entamer une procédure de divorce avec Marguerite de Valois, la reine Margot. Mais celle-ci n’accepte pas que «la putain du roi», (comme elle la surnomme), soit la reine de France un jour. Vers cette époque aussi, le roi négocie son mariage avec Marie de Médicis, nièce de Marguerite de Valois, par sa mère, Catherine de Médicis. Quand Gabrielle l’apprend, elle est bouleversée et déçue.
En Janvier 1599, Henri tombe malade et c’est sa maîtresse qui le soigne avec douceur. Finalement, le roi de France décide d’épouser Gabrielle avec ou sans la permission du pape. Durant la semaine sainte, pour plaire à l’Église et espérant que le pape lui accorde la main de Gabrielle, le roi et sa favorite décident de se séparer. Le mariage sera prévu pour la Saint-Quasimodo. La duchesse de Beaufort quitte le roi avec des sinistres présages, pour Paris, alors que celui-ci reste à Fontainebleau. Gabrielle, amatrice d’astrologie, a entendu les gens prédire qu’elle ne dépassera pas ses 28 ans et qu’elle ne verra pas le jour de Pâques. Henri la console et lui dit qu’il ne faut pas prêter attention à ses commérages.
Marie de Médicis, par Frans Pourbus, v. 1606, musée des beaux-arts de Bilbao.
une mort plus que suspecte
À Paris, Gabrielle retrouve sa sœur Diane. La duchesse de Beaufort est alors enceinte de sept mois. Elle part rendre visite à un riche banquier italien, Sébastien Zamet et dîne chez lui. Celui-ci la traite en véritable reine. C’est après avoir bu une citronnade ou une orangeade, que Gabrielle sent les premières convulsions. La duchesse de Beaufort est immédiatement transportée chez sa tante maternelle, Isabelle de Sourdis. Le roi, prévenu, ne va pas voir sa maîtresse, pensant qu’il est encore très tôt. Le 9 Avril, l’état de santé de Gabrielle se dégrade, et les médecins se voient obligés de lui arracher l’enfant de son ventre. L’accouchement de Gabrielle fût une véritable boucherie, les médecins enlevèrent l’enfant du ventre par pièce et lopins. Du 9 au 10 Avril 1599, Gabrielle perd la vue et l’ouïe, et est prise par des convulsions qui la rendent méconnaissable.
Henri veut aller la voir mais ses ministres et ses conseillers lui conseillent de rester, lui disant que la duchesse va mourir et qu’on ne peut pas la reconnaître si on la voyait. Gabrielle rend l’âme le 10 Avril 1599, à huit ou neuf heures du matin, chez sa tante, Isabelle, sans avoir revu le roi.
un roi inconsolable, et la fin d'un mystère
Le roi de France est bouleversé quand il apprend la mort de sa bien-aimée. Éploré, le roi organise à sa chère Gabrielle des funérailles royales, il porte son deuil et s’habille tout en noir. À Paris, quand le peuple apprend la mort de la duchesse de Beaufort, il manifeste sa grande joie.
Dès qu’il sait que sa fille est morte, Antoine d’Estrées vient prendre toute chose ayant appartenu à Gabrielle. Cette mort si soudaine est penchée pour un empoisonnement. En effet, les conseillers du roi qui détestaient Gabrielle et qui n’approuvaient pas qu’elle devienne la reine de France, l’auraient empoisonnée. Ou Sébastien Zamet, chez qui elle a passé sa dernière nuit avec, l’aurait fait sous l’instigation des Médicis, qui souhaitent de voir leur nièce, devenir la reine de France.
On ira même à dire que c’est le roi de France, qui, pensant que son mariage avec sa maîtresse aurait des conséquences néfastes pour la France, se serait débarrassée d’elle, en le faisant assassiner. Mais bien des siècles plus tard, les médecins feront l’autopsie du corps et concluront qu’elle serait morte d’éclampsie, maladie courante chez les femmes enceintes.
pour aller + loin
le coin des lecteurs
Vous l'avez tous déjà vue, immortalisée par un peintre anonyme de l'École de Fontainebleau, dans son bain avec sa soeur. Et pourtant, qui est-elle vraiment, Gabrielle d'Estrées (1573-1599), celle qui enflamma le coeur du bon roi Henri au point de lui donner trois enfants dont César, futur duc de Vendôme, premier dauphin depuis cinquante ans ? Putain du roi ? Courtisane dévorée d'ambition ?
Ou tout simplement follement amoureuse d'Henri IV ? Philippe Erlanger a trop de respect envers ce personnage au destin flamboyant pour trancher. La biographie de celle qu'il qualifie d'enfant à l'esprit d'oiseau, uniquement créé pour l'amour, qui faillit régner sur la France, et lui être fatale a tout d'un bon gros roman d'Alexandre Dumas : des amours passionnées, avec pour toile de fond des guerres de religion, des alliances contrariées avec l'Italie, une guerre avec l'Espagne et des tractations secrètes entre protestants et catholiques. Avec un savoir-faire que lui envièrent Marcel Pagnol et Jean Cocteau, l'historien parvient à restituer dans ses plus infimes détails la dévorante dévotion amoureuse d'une presque reine au destin tragique : sur le point d'épouser Henri IV, elle meurt subitement en couches le 10 avril 1599.
En cette fin de XVIe siècle, la France est le théâtre de passions débridées, de haines extrêmes, d'actes d'une violence incontrôlée, d'une cupidité délétère et d'extravagances de toutes sortes. Les remises en cause consécutives à l'apparition de l'humanisme, aux guerres religieuses et aux mutations économiques, troublent les esprits.
Les amours d'Henri de Navarre et de Gabrielle d'Estrées reflètent ce temps de fer et de feu. Contraint comme huguenot à quitter la cour des Valois, bientôt chef du parti opposé au roi, ennemi juré des catholiques de la Ligue, puis héritier désigné mais contesté du trône, enfin mal accepté, Henri trouve avec sa jeune maîtresse (elle a vingt ans de moins que lui...) et les enfants qu'elle lui donne le réconfort d'un foyer paisible que la reine Margot _ à laquelle on l'a naguère marié _ ne lui procure pas.
Gabrielle est devenue une " presque épouse ", voire une " quasi reine ". Henri s'était mis en tête d'en faire la reine de France, lorsqu'elle mourut brutalement (ce qui résolut le grave problème dynastique que cette union n'aurait pas manqué de poser).
Issue d'une " famille dont les femmes savent plier leur vertu aux exigences du moment qui passe ", la favorite n'a certes pas aimé le roi sans réserve; elle n'a jamais oublié ses intérêts et ceux des siens. Néanmoins, elle a joué auprès de lui un rôle bienfaisant, par exemple en l'assistant moralement lors de son abjuration, puis en le poussant à proclamer l'édit de Nantes. Qui sait si l'Histoire n'aurait pas tourné autrement sans la belle Gabrielle?
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