Nicolas Poussin (1594-1665)


JEUNESSE (1594-1615)


Autoportrait, 1650 (Musée du Louvre, Paris).
Autoportrait, 1650 (Musée du Louvre, Paris).

La prime jeunesse de Nicolas Poussin reste assez mystérieuse. Il est né à Villers, à proximité des Andelys. Félibien (1619-1647) rapporte, dans Entretiens sur les vies et les ouvrages des plus excellents peintres anciens et modernes (1666-1688), que son père était un gentilhomme picard ruiné qui vint s’établir aux Andelys où il se maria. Le jeune Nicolas acquit, semble-t-il, quelques rudiments de latin, mais il n’éprouvait de goût que pour le dessin.

 

Vers 1611-1612, il est placé chez le peintre Quentin Varin (1570-1634), originaire de Beauvais, mais installé aux Andelys. Vers cette même époque, il part plus ou moins clandestinement pour Paris. Il travaille brièvement sous la direction du portraitiste flamand Ferdinand Elle (1580-1637) et du peintre maniériste Georges Lallemand (1575-1636) chez qui il aurait rencontré Philippe de Champaigne (1602-1674). Il fait également la connaissance d’un certain Alexandre Courtois, mathématicien du roi et amateur d’art qui lui fait découvrir Raphaël.


entre paris et rome (1615-1640)


Le Cavalier Marin, par Frans Pourbus le Jeune.
Le Cavalier Marin, par Frans Pourbus le Jeune.

Nicolas Poussin connaîtra la misère à Paris, vivant de quelques commandes de nobles et de religieux. Son souhait le plus cher est d’aller à Rome et il faudra plusieurs tentatives avant qu’il y parvienne. Il a rencontré à Paris le poète italien Giambattista Marino (1569-1625), dit le Cavalier Marin, pour qui il dessinera une série de sujets empruntés aux Métamorphoses d’Ovide.

 

Marino devait emmener Poussin avec lui à Rome, mais le peintre fut retardé et partit seul pour la capitale italienne où il arriva au printemps 1624. Marino est déjà reparti pour Naples où il meurt en 1625. Poussin va vivre difficilement à Rome, mais il est passionné par son art et cherche à apprendre : il étudie la géométrie et la perspective, fréquente l’école du peintre baroque Andrea Sacchi (1599-1661) et du Dominiquin (1581-1641) ; il pratique même des dissections avec le chirurgien Nicolas Larche.

 

Vers la fin des années 1620, il tombe malade, est hospitalisé puis recueilli par Jacques Dughet, un pâtissier français installé à Rome. En 1629, il épouse la fille de Dughet, Anne-Marie, dont il n’eut pas d’enfant. Il adopta les deux frères de son épouse, dont l’un, Gaspard Dughet, dit le Guaspre Poussin (1615-1675) devint un grand peintre paysagiste de Rome.


Gravure de Cassiano dal Pozzo.
Gravure de Cassiano dal Pozzo.
L'Institution de l'Eucharistie, tableau commandé par Louis XIII pour la chapelle du château de Saint-Germain-en-Laye.
L'Institution de l'Eucharistie, tableau commandé par Louis XIII pour la chapelle du château de Saint-Germain-en-Laye.


les honneurs de la cour de france (1640-1665)


Francesco Barberini, par Andrea Sacchi.
Francesco Barberini, par Andrea Sacchi.

Protégé par le cardinal Barberini, la renommée du peintre va croître et, au cours de la décennie 1640, son génie va s’affirmer. L’Empire de Flore (1631) peut être cité comme particulièrement représentatif par la complexité de la composition, la netteté du dessin, la légèreté des couleurs, la grâce extrême des mouvements proches du maniérisme.

 

La célébrité de Poussin va atteindre la cour de France. Dès 1639, Louis XIII (1601-1643) et François Sublet des Noyers (1588-1645), surintendant des Bâtiments, lui demandent de revenir à Paris ; mais il faudra attendre que Roland Fréart de Chambray (1606-1676) et son frère Jean, sieur de Chantelou, viennent le chercher à Rome en 1640 pour qu’il défère au souhait royal.

 

Il est accueilli avec les égards réservés aux plus grands : une maison dans le jardin des Tuileries, une pension royale de 3 000 livres. Il est nommé peintre du roi. Les commandes affluent : décoration des appartements du roi, de la grande galerie du Louvre, entre autres. Mais ces honneurs suscitent la jalousie et les intrigues de ses pairs. Pour échapper aux tracasseries, Poussin revient à Rome en 1642. Il y restera jusqu’à sa mort en 1665, unanimement admiré et même comparé au grand Raphaël.


pour aller + loin



SON OEUVRE


L'Inspiration du poète, Louvre, Paris.
L'Inspiration du poète, Louvre, Paris.

Le nom de Nicolas Poussin est dans l’histoire de l’art synonyme de classicisme. Et il est vrai qu’il donna le goût de l’Antiquité à toute une génération de peintres. Le succès italien de Poussin succède chronologiquement à l’explosion baroque initiée par Caravage (1571-1610).

 

Mais à l’époque où triomphait le réalisme de Caravage, des tendances contraires subsistaient, représentées en particulier par Annibal Carrache (1560-1609) et Le Dominiquin. Le classicisme de Poussin doit beaucoup à ces maîtres italiens, mais la rigueur de son art étonnera les italiens eux-mêmes qui voyaient en lui un successeur de Raphaël.

 

Classicisme oblige, Nicolas Poussin n’a peint que des scènes mythologiques et religieuses ainsi que des paysages avec personnages, mais pas de portraits ni de scènes de genre. Il ne s’agit nullement d’une peinture réaliste : l’artiste cherche ses modèles dans la sculpture antique et chez les grands maîtres de la Renaissance. Nous sommes loin de Caravage qui choisissait des prostituées et des garnements des rues de Rome.

 



Le charme de Poussin est dans la composition rigoureuse, dans l’équilibre. La netteté des contours, l’utilisation très mesurée de la couleur, dont il se méfiait, l’omniprésence de personnages mythologiques fortement idéalisés (le contraire de Rubens) tirent les tableaux de Poussin vers l’intemporalité. Comme il le dit lui-même, le sujet doit être « noble » et la forme « excellente » :

 

« Pour ce qui est de la matière, elle doit être noble; et pour donner lieu au peintre de montrer son esprit, il faut la prendre capable de recevoir la plus excellente forme. Il faut commencer par la disposition, puis par l’ornement, le décor, la beauté, la grâce, la vivacité, le costume, la vraisemblance et le jugement partout… » (Lettre à M. de Chambrai, 1665).

 

Les quelques exemples ci-dessus illustrent à quel point ce travailleur acharné, cet autodidacte passionné, a frôlé de très près l’inaccessible idéal de beauté qu’il recherchait.




pour aller encore + loin



La richesse et la diversité des études menées sur Nicolas Poussin depuis une cinquantaine d’années montrent bien la vitalité de la recherche dans ce domaine. Donner la parole aux spécialistes d’un des plus importants représentants de la peinture française et en reproduire les avis les plus divers marque une nouvelle étape dans la connaissance de son œuvre. Apparaissent ainsi la personnalité du peintre-philosophe, le milieu qu’il fréquentait, les collectionneurs de ses œuvres et l’iconographie de celles-ci.




Ce troisième album des Carnets de Chantilly est consacré à Nicolas Poussin (Les Andelys, 1594 – Rome, 1665) et reproduit la totalité de la collection du musée Condé, la plus importante en France après celle du Louvre, sept tableaux et trente-six dessins originaux, accompagnée d’une chronologie et de notices détaillées par Pierre Rosenberg, spécialiste de l’artiste. 

 

Ces œuvres sont représentatives du style de ce remarquable dessinateur qu’est Poussin, le plus grand artiste français du XVIIe siècle : on y trouve de superbes lavis mythologiques de la jeunesse de l’artiste (Acis et Galatée, Mars et Vénus, Daphné et Pénée), mais aussi deux études pour L’Adoration des Mages, tableau peint en 1633 par Nicolas Poussin et conservé aujourd’hui à Dresde, des copies d’après l’antique (Statue équestre de Marc Aurèle, Études d’après la colonne Trajane) ou les maîtres de la Renaissance comme Jules Romain ou Polydore de Caravage, et des paysages appartenant à la dernière manière de l’artiste.




Dans le cadre de la Rome du XVIIe siècle, Camillo Massimo se souvient de ses conversations avec Poussin et dresse son portrait : ses voyages entre la France et Rome, les déceptions et les souffrances de sa vie, son humanité, sa solitude grandissante.

 

Ces réflexions sont aussi un parcours dans les oeuvres et insistent sur le peintre au travail : inventant à partir de ses sources d'inspiration, transcrivant les images poétiques en images visuelles, surmontant les difficultés techniques au cours d'une création lente et exigeante. Elles invitent à regarder attentivement une oeuvre qui est un des plus parfaits accomplissements du classicisme et fait écho à l'idéal de clarté et d'élévation de la philosophie cartésienne.

 

L'auteur : Alain Mérot est professeur à l'université Paris IV Sorbonne. Spécialiste mondialement connu des arts du XVIIe siècle en France et en Europe, il travaille sur le classicisme français, ses théories artistiques et sur le paysage dans la peinture. 



Et autres livres, textes tout aussi intéressants : 

 

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Après la publication des 2 premiers volumes des écrits de Jacques Thuillier - Une vie pour l'histoire de l'art et La peinture française au XVIIe siècle , cet ouvrage est édité à l'occasion de l'exposition du musée du Louvre célébrant le 350e anniversaire de la mort de Nicolas Poussin.

 

Nicolas Poussin est reconnu comme le plus admirable des peintres français du XVIIe siècle. La suite très riche d’illustrations de ces deux tomes atteste de la splendeur de son oeuvre : paysages, compositions allégoriques, sujets mythologiques où l’érotisme tient une place importante, tableaux religieux et historiques.

 

L’historien de l’art Jacques Thuillier a consacré sa vie à l’étude de Poussin et à la redécouverte de son oeuvre. Ses textes, écrits au long de cinquante années de travail, sont tous réunis ici : les études sur les tableaux redécouverts de l’artiste et sur les différentes périodes de sa carrière, l’analyse de ses théories artistiques et de sa philosophie, sa biographie et le catalogue raisonné de son oeuvre.

 

La clarté et l’élégance de l’écriture de Jacques Thuilllier, la sensibilité et la profondeur de sa réflexion viennent enrichir une magistrale leçon d’histoire de l’art, qui apprend à déchiffrer l’oeuvre et à le faire aimer. Jacques Thuillier approche au plus près la pensée créatrice de Nicolas Poussin et vient révéler qu’il fut à la fois un peintre et un poète.




Nicolas Poussin est incontestablement le grand peintre français du XVIIe siècle. Décrit successivement comme «peintre philosophe», «peintre chrétien» ou «peintre libertin», il est surtout un artiste d'une grande spiritualité. La dimension chrétienne de son art a pourtant été longtemps négligée, voire contestée, alors que ses compositions sacrées comptent parmi ses productions les plus émouvantes et témoignent d'une méditation sur Dieu très personnelle. L'oeuvre de Nicolas Poussin, génie classique, constitue un corpus à part dans la Rome baroque du XVIIe siècle. Singulier par le style, mais aussi par la signification de ses tableaux, Poussin est le seul artiste qui ait su concilier d'une manière poétique les traditions sacrée et profane, insérant des symboles et des allégories antiques dans ses sujets bibliques, enrichissant ses compositions profanes d'une consonance chrétienne. Son art constitue une synthèse nouvelle d'une originalité et d'une puissance d'inspiration exceptionnelles. Laissons parler la beauté de ses oeuvres et découvrons les clefs qui permettent de comprendre cette peinture, dont Poussin lui-même disait qu'il fallait savoir apprendre à la «lire».




Poussin surgit dans la peinture française à l’instant où elle s’essouffle de ses excès. Il s’impose alors même que la monarchie assied son prestige qui va se maintenir en place jusqu’à la Révolution française. En puisant chez Ovide ses thèmes de prédilection il arrache la peinture au caractère réducteur du témoignage pour tenter les vastes synthèses philosophiques. Écarté de Paris où se forme un pays s’appuyant sur des richesses tangibles, une volonté monarchique, il retrouve à travers le passé maintenu présent dans les ruines antiques de Rome tout le prix des vertus civiques nécessaires à la cohérence des entreprises humaines mais également d’un équilibre qui vaut toutes les aventures. Une aventure intériorisée.




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