Jean-Marc Nattier (1685-1766)


jeunesse (1685-1700)


« Portrait de Jean-Marc Nattier » par Louis Tocqué (fin des années 1740).
« Portrait de Jean-Marc Nattier » par Louis Tocqué (fin des années 1740).

Jean-Marc Nattier a passé son enfance parmi les objets d'art. Sa mère, Marie Courtois (1655-1703), fut l'élève de Charles Le Brun (1619-1690) et connut le succès dans sa jeunesse comme miniaturiste. Une miniature est un très petit portrait destiné à orner, au Moyen Âge, des manuscrits puis, par la suite, des bijoux ou objets divers de la vie courante comme une tabatière.

 

Devenue paralytique à l'âge de vingt-deux ans, Marie Courtois dut renoncer à sa carrière. Marc Nattier (1642-1705), le père de Jean-Marc, est un portraitiste réputé, membre de l'Académie royale de peinture et de sculpture. Le frère aîné de Jean-Marc, Jean-Baptiste (1678-1726), devint lui-même peintre d'histoire.

 

Ce milieu familial et un don exceptionnel pour le dessin permirent à Jean-Marc Nattier de se faire remarquer très jeune. Dès l'âge de quinze ans, il obtient le premier prix de dessin de l'Académie royale.

 


LES ENCOURAGEMENTS DE LOUIS XIV (1700-1715)


L'instruction de la Reine par Pierre Paul Rubens, (1622-1625)
L'instruction de la Reine par Pierre Paul Rubens, (1622-1625)

Entre 1700 et 1710, le roi Louis XIV (1638-1715) accorde à Nattier l'autorisation de dessiner et de faire graver les vingt-quatre tableaux peints par Rubens entre 1621 et 1625 et représentant l'Histoire de Marie de Médicis (1575-1642).

 

Ces tableaux, exposés au palais du Luxembourg (aujourd'hui au musée du Louvre), retracent des épisodes de la vie de la Reine en les associant à des thèmes mythologiques. 

 

 

Louis XIV lui-même remarqua à cette occasion le talent du jeune artiste et l'encouragea par ces mots : « Continuez, Nattier, et vous deviendrez un grand homme ».

 

En 1713, Nattier est admis comme membre agréé de l'Académie royale, ce qui lui permet de présenter son morceau de réception en 1718. Il s'agit d'un tableau mythologique : Persée changeant Phinée en pierre. Il devient académicien.

 


le portraitiste de la famille royale (1715-1766)


Marie-Thérèse d'Estampes, marquise de La Ferté-Imbault (1740). Musée d'Art Fuji de Tokyo.
Marie-Thérèse d'Estampes, marquise de La Ferté-Imbault (1740). Musée d'Art Fuji de Tokyo.

Nattier fut une des nombreuses victimes du système de Law (1716-1720). John Law (1671-1729) – on prononçait Lass au XVIIIe siècle – est un financier écossais qui avait été autorisé à créer une banque émettant du papier monnaie. La spéculation sur la valeur des titres conduisit le système à la faillite. Nattier perd tous ses avoirs et doit peindre pour vivre. Le portrait est une spécialité commercialement porteuse, surtout pour un académicien réputé.

 

Il devient rapidement le portraitiste officiel de la maison d'Orléans (branche cadette des Bourbon), puis à partir de 1748, de la cour du roi Louis XV (1710-1774). Tous les grands personnages du règne de Louis XV ont leur portrait peint par Nattier. Il excelle tout particulièrement dans les portraits de femmes. A partir de 1737, il expose à tous les salons officiels. En 1746, il est nommé professeur à l'Académie royale de peinture et de sculpture.

 

Nattier eut trois filles et un fils. Deux de ses filles épousèrent des peintres : Charles-Michel-Ange Challe (1718-1765) et Louis Tocqué (1696-1772). Son fils s'apprêtait à suivre la carrière paternelle, mais il se noya dans le Tibre, à Rome, alors qu'il y étudiait la peinture.

 

A la fin de sa vie, Nattier voit le public l'abandonner progressivement. Ne vendant plus et s'étant vu refuser une pension royale, sa situation financière se dégrade et il doit être recueilli par son gendre Charles-Michel-Ange Challe. Il meurt chez lui le 7 novembre 1766 à la suite d'une longue maladie qui l'immobilisa pendant plusieurs années.

 


son oeuvre en général


Portrait de Madame de La Porte (1752). Musée Calouste-Gulbenkian.
Portrait de Madame de La Porte (1752). Musée Calouste-Gulbenkian.

L'immense succès de Jean-Marc Nattier sous le règne de Louis XV vient bien sûr d'un talent évident mais aussi d'un travail acharné. Son œuvre comporte environ 400 tableaux, souvent de taille assez importante. Nattier fait franchir un pas important à l'art du portrait au 18e siècle. Il prend la suite de Hyacinthe Rigaud (1659-1743) qui avait fait évoluer le portrait idéalisé vers une plus grande vérité. Rigaud savait mettre en scène ses personnages par l'habillement et le décor. Nattier reprend cette manière en l'accentuant encore : étoffes, rideaux, tapis, fleurs sont rendus avec un souci constant de réalisme. Les portraits féminins sont probablement les plus réussis.

 

Nattier a en effet le souci d'abandonner complètement la solennité qui caractérisait encore les portraits de Rigaud. Il s'agissait de peindre un grand personnage et de faire sentir son pouvoir et sa richesse. Il est désormais davantage question de luxe, de frivolité et de douceur. Aussi les coloris clairs, les moirés, les fondus sont-ils omniprésents. La mythologie antique et les turqueries étant à la mode, les femmes posent volontiers en Diane, en Hébé ou en sultane. Les physionomies n'offrent pas vraiment de vérité psychologique mais une certaine mélancolie. Pas un seul défaut n'apparaît sur ces visages de femmes idéalisés quand nous savons parfaitement que l'état de la médecine au XVIIIe siècle ne permettait aucun soin efficace.

 

Les portraits masculins peuvent paraître un peu efféminés car Nattier privilégie toujours la douceur et l'élégance. Mais il s'agit de représenter un monde qui connaît ses dernières décennies et qui se caractérise par un style de vie fait de divertissements mondains et d'oisiveté. C'est en cela sans doute que la peinture de Nattier est historiquement juste : elle propose une image de la haute aristocratie et de la famille royale telle qu'elles se voyaient elles-mêmes de façon idéale.

 

L'influence de Nattier fut importante au XVIIIe siècle. Il suffit de regarder les portraits de Jean-Baptiste Greuze, de Maurice Quentin de la Tour ou d'Elisabeth Vigée Le Brun pour s'apercevoir que tous parviennent à donner une image flatteuse de leurs modèles sans pour autant trahir la vérité. Tous également mettent l'accent sur l'intelligence ou la sensibilité et non plus sur la puissance et la richesse. Voltaire et Rousseau ont laissé leur influence sur le siècle.


QUELQUES OEUVRES






POUR ALLER + LOIN



Adulé de son vivant Jean-Marc Nattier est aujourd'hui un peintre méconnu du grand public.

 

Cette étude monographique, synthèse des connaissances sur l'artiste, retrace les étapes essentielles de la vie du portraitiste de la cour de Louis XV. A l'appui de correspondances et de documents d'archives rares ou inédits, l'auteur raconte le parcours exceptionnel d'un artiste du dix-huitième siècle qui connut une immense vogue auprès de ses contemporains et dont le nom symbolise à jamais la grâce, l'élégance et le raffinement. 




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