Léonard de Vinci : De La Bataille d'Anghiari à La Joconde
En 1501, il est à Florence et compose un carton de la Sainte Anne, dont parlent plusieurs contemporains. On ne sait ce qu'est devenu ce carton, qui ne peut être identifié comme celui de la Royale Académie de Londres – composition sans doute antérieure et exécutée à Milan – mais le superbe tableau du Louvre peut nous consoler de la perte du carton qu'il reproduit. En 1503, il avait achevé pour le puissant secrétaire d'État de Louis XII, Robertet, « une madone assise, travaillant au fuseau, tandis que le Christ enfant, un pied sur la corbeille de laine, souriant, saisit le fuseau qu'il cherche à enlever à sa mère ». À cette même date, il fut chargé, avec Michel-Ange, de décorer la salle du conseil dans le palais de la Seigneurie. Michel-Ange choisit une scène de la guerre contre Pise : des soldats au bain surpris par l'ennemi. Léonard - si longtemps l'hôte de Milan - eut lui à traiter La Bataille d'Anghiari, gagnée par les Florentins sur les Milanais en 1440. Aussi, il se mit à l'œuvre avec ardeur et travailla au carton d'oct. 1503 à févr. 1505. Le carton achevé, il commença dans la salle du conseil la peinture murale ; au mois de mai 1506, il l'abandonnait. Seul l'épisode de l'étendard que décrit Vasari, et qui occupait au premier plan le centre de la composition était achevé. « Selon certaines indications qu'il trouva dans Pline, il prépara une sorte de mastic pour étendre ses couleurs. Après avoir peint sur le mur, il alluma un grand feu pour que la chaleur permit aux couleurs d'être absorbées et de sécher. Mais il ne réussit cela que pour la partie inférieure ; il ne put chauffer assez la partie supérieure qui était trop éloignée du feu. » Nous n'avons de reproduction que celle de l'épisode de l'étendard. La plus ancienne gravure, celle de Lorenzo Zacchia, date de 1558 ; la plus connue, celle d'Edelinck, fut faite soit d'après le dessin de Rubens qui est au Louvre, soit d'après un dessin flamand plus ancien qui est aux Offices et qui peut-être servit de modèle aux deux artistes. Les cartons de Michel-Ange et de Léonard qui, selon la célèbre expression de Benvenuto Cellini, « furent l'école du monde », tant qu'on les put étudier, ont disparu l'un et l'autre. Aussi, les dernières nouvelles que nous ayons de la peinture sont de 1513, elle coula sans doute avec l'enduit qui la portait. La statue de François Sforza, La Cène, La Bataille d'Anghiari, toutes les grandes œuvres de De Vinci ne nous sont plus connues que par des croquis, des dessins, des copies et l'enthousiasme qu'elles excitèrent. En 1505, il avait également achevé La Joconde, illustre portrait auquel il faut toujours revenir pour comprendre cet extraordinaire génie qui ne sacrifie rien, qui mêle le sang-froid et l'émotion, la curiosité et la tendresse, et dont la rêverie même est une richesse d'idées claires. Müntz situe à cette époque le tableau aujourd'hui perdu de La Léda, dont nous savons peu de chose. Apporté en France, il semble que ce tableau ait été conservé un certain temps au château de Fontainebleau, dont les inventaires le mentionnent jusqu'en 1691. Nous ne le connaissons plus que par un dessin de Raphaël (Windsor), et deux ou trois copies anciennes.
Léonard de Vinci : De 1505 à 1515
Pendant l'été de 1506, Léonard obtint de la Seigneurie la permission de se rendre à Milan, où l'appelait le gouverneur français, Charles d'Amboise. Un peu plus tard, après quelques résistances du conseil de Florence, envers lequel il n'avait pas tenu ses engagements, il entrait au service de Louis XII. Un long procès avec ses frères, qui lui contestaient sa part de l'héritage d'un oncle paternel, pendant plusieurs années, lui fit perdre un temps précieux et le rappela à plusieurs reprises à Florence. Le procès terminé, il revient à Milan « avec deux madones de grandeur différente qu'il a peintes pour le roi Très Chrétien », mais à cette même date, les affaires des Français se gâtent et ils sont chassés d'Italie. « Le 24 sept. 1513, écrit Léonard, je partis de Milan pour Rome avec Giovanni, Francesco Melzi, Salaï, Lorenzo et le Fanfoïa ». Un Florentin, Giovanni de Médicis, fils de Laurent le Magnifique, avait été élu pape sous le nom de Léon X. Le plus jeune frère du nouveau pape, Julien de Médicis, aimait Léonard et l'avait attaché à son service. Il semble qu'à cette époque ses travaux scientifiques l'aient beaucoup absorbé. Vasari signale deux tableaux qu'il exécuta pour le dataire du pape, messire Baldasare Turini : l'un représentait La madone avec l'enfant, l'autre « un enfant d'une grâce et d'une beauté merveilleuse ». Parmi les dernières oeuvres du maître, il faut certainement mettre le Saint Jean du Louvre, où il a porté la technique pittoresque à un point qu'elle ne devait point dépasser.
Léonard de Vinci : Fin de vie
Le 13 sept. 1515, la victoire de Marignan donnait à François Ier le duché de Milan. À peine informé de l'arrivée des Français, De Vinci quitte Rome et va rejoindre le roi à Pavie. En déc. 1515, il revoyait pour la dernière fois Milan, sa seconde patrie, et il se rendait en France, où François Ier, qui l'aimait, lui donnait pour résidence l'hôtel du Cloux, dans le voisinage du château d'Amboise, et lui assurait une pension de 700 écus. C'est là qu'après plusieurs mois de maladie, le 2 mai 1519, il expirait. On sait la légende qui fait mourir le grand artiste dans les bras du roi de France. La vérité est que, le jour de la mort de Léonard, le roi était à Saint-Germain-en-Laye. Des grandes œuvres du Vinci, nous l'avons vu, la plupart ont été détruites ou sont perdues ; ses croquis, pleins de verve, ses nombreux dessins, qui valent parfois des oeuvres achevées, quelques tableaux précieux, suffisent à le mettre au nombre des peintres qui peuvent disputer le premier rang. Son rare génie est fait de l'harmonie des dons contraires qui égalent en lui le savant à l'artiste. Ses sentiments sans cesse passent par son esprit et ses idées par son cœur : « Plus on connaît, plus on aime ». Le charme rare de ses oeuvres est dans et subtil mélange d'analyse et d'émotion, d'exactitude et de fantaisie, de naturel et de spiritualité, dans ce réalisme psychologique d'un artiste qui pense que l'esprit est partout présent et doit partout apparaître : la Pittura è cosa mentale.
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